Portrait de bénévole : Patricia, pour le plaisir de créer et de partager

Mardi, 8h50, Patricia finit sa matinée de travail au  centre de loisirs Louise Michel où elle est animatrice pour jeunes enfants. Juste la rue à traverser et quelques marches à grimper pour rejoindre la salle de créa au premier étage du centre social Dolto.

J’ai à peine le temps de déposer mon sac sur mon bureau et d’accrocher mon manteau que Patricia me rejoint :

« Ah super, je suis trop contente. Fatiha, est-ce que tu peux me faire du thé ? J’ai plein de nouvelles idées. Alors ? les dames, ça leur a plu les  fleurs ? Ah, au fait j’ai cherché de collants de couleurs partout mais rien à faire. Ni au marché, ni même à Kiabi au rayon enfants. Alors, on peut faire un atelier pendant les vacances de février? ». Comme à chaque fois Patricia à plein de choses à me demander.

J’enclenche la bouilloire électrique pendant  que mes yeux scannent le bureau à la recherche des tasses que les collègues ont dû emprunter et omis de remettre à leur place. Gentiment, Patricia me demande si je veux qu’elle recherche les tasses : c’est vrai qu’elle connaît la maison. Elle a travaillé au centre social il y a quelques années. Je finis par retrouver les tasses dans une autre pièce. Pendant que Patricia sirote son thé parfum mandarine et groseille, je lui demande si cela ne la dérange pas que je fasse son portrait de bénévole pour le blog des centres sociaux.  Elle me répond : «  Mais, avec plaisir ! »

Je lui demande son âge.

« 45 ans, même si j’ai l’impression que le compteur dans mon cerveau s’est arrêté à  43 ans. Le temps passe si vite.  J’ai des enfants : un garçon de 15 ans et une fille de 11 ans. J’habite à Savigny-le-Temple. J’aime trop la Seine-et-Marne. On a de la chance : c’est beau et c’est plein de verdure. Même si il y en a qui se plaignent moi je trouve qu’on a de la chance d’habiter à Savigny. J’aime ma ville. C’est quand même une belle ville comparée à d’autres endroits. »

─ Patricia est ce que tu es née en Seine et Marne ? »

─ Non. Mes enfants sont nés à Melun mais, moi, je suis née en Guadeloupe. Je suis arrivée à Savigny en 2000.

─ Et avant 2000, tu habitais où ?

─ A l’âge de 24 ans et demi j’ai quitté la Guadeloupe pour rejoindre mon papa en métropole. Oui, oui 24 et demi !  Je me souviens très bien : c’était le 6 novembre 1996. Je suis arrivée à Montbéliard dans le Doubs, département 25. Montbéliard c’est à côté de Sochaux, tu sais là où il y avait l’industrie automobile  Peugeot. Là bas, il y avait beaucoup de maghrébins qui travaillaient à l’usine. Avec mon père, j’étais une des rares blacks là bas. J’aimais bien ma vie là-bas. Tout était nouveau pour moi. Si différent de la Guadeloupe. J’ai découvert les saisons en métropole : la beauté de l’automne et surtout la neige. Tu aurais dû me voir un jour : moi avec ma petite bouille toute noire, en plus  habillée en noir, avec de la neige toute blanche jusqu’au genou ! Trop trop beau ! De la neige jusqu’au genoux, t’imagines ? C’est pas ici qu’on va voir ça ! Mais bon, avec la météo, on ne sait jamais . Tu sais Fatiha, ce qui m’a étonnée en arrivant en région parisienne c’était la diversité culturelle : des gens de toute la planète, de toutes les couleurs, de différentes croyances. Rien à voir avec Montbéliard ! En 2000, j’ai fait une formation en commerce à Melun, un stage à Cora et après j’ai travaillé à Cora. Ensuite j’ai fondé ma famille. J’ai changé plusieurs fois de logements à Savigny et de travail aussi. Pas toujours simple d’avoir une stabilité professionnelle, mais je ne me plains pas. J’ai toujours réussi à me débrouiller. Et puis, il y a toutes ces belles personnes que je rencontre. Quoi qu’il se passe, Je suis toujours reconnaissante d’être en bonne santé.

─  Patricia, comment as-tu connu le centre social ?

─ En 2000, un jour, je passais par là et j’ai vu écrit « centre social ». Je me suis dit : c’est quoi ça, centre social ? Alors j’ai décidé d’entrer et j’ai vu qu’il y avait plein d’activités pour les adultes et pour les enfants. Quelques jours après, je me suis inscrite aux ateliers adultes, en informatique  et aussi à l’atelier cuisine. Pendant les vacances et le mercredi, il y avait aussi des choses pour mes enfants. Un jour, quelqu’un  m’a dit que le centre social recherchait des vacataires pour l’accompagnement  à la scolarité et pour faire des activités créatives pendant les vacances. J’ai postulé. J’ai été sélectionnée. C’était super de travailler quelques heures avec les enfants et de faire des activités manuelles avec eux. Après un certain temps, j’ai bougé pour différentes raisons mais en particulier parce que j’avais besoin d’un vrai salaire. C’est sympa la créa, mais, quand on est une maman solo avec deux enfants, on a aussi de lourdes responsabilités. Comme j’avais une opportunité professionnelle en centre de loisirs, je n’ai pas hésité. Et puis, il reste quand même le côté créatif avec les enfants. Moi, j’aime bien créer toutes sortes d’objets mais en particulier des fleurs originales, un peu exotiques ou imaginaires. En centre de loisirs, en ce moment par exemple, avec les enfants, je travaille sur les masques des cinq continents. Avec des enfants de 3 à 6 ans, pour des raisons de sécurité, il y a beaucoup de matériaux que l’on ne peut pas utiliser. Du coup, avec le public adulte, je retrouve une certaine liberté, moins de contraintes dans ma créativité. »

─ Patricia, pourquoi fais-tu du bénévolat au centre social?

─ Pour moi c’est un plaisir, du partage aussi. En plus, l’atelier créa à Dolto, comme je le disais tout à l’heure, c’est avec des adultes. Cela me change de mon public habituel. De venir ici, ça m’aère la tête. Dans l’atelier créa, des fois, avec les dames on a des fous rires pour rien ! Des moments comme ça, ça donne la pêche pour le reste de la journée. Pour moi, c’est important de donner, de partager sa créativité avec les autres. Et, ce que j’aime, c’est quand les personnes réussissent à créer quelque chose et qu’elles en sont fières. En plus ça fait chaud au cœur quand elles repartent avec le sourire et des étoiles plein les yeux. C’est à ça que ça sert le bénévolat, en tous cas pour moi !

─ Merci Patricia.

─ De rien. Sinon, Fatiha, on a toujours pas de collants de couleurs pour faire des fleurs…On a des sous pour ça ?

─ …

 

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